Introduction historique.
A/ Lucien Bégule: son portrait et sa famille
B/ Formation
C/ Son œuvre
D/ Fonctionnement des ateliers
E/ Les prix
F/ La clientèle
G/ Les contraintes techniques
"Lucien Bégule maître-verrier " est un sujet
que nous souhaitions traiter car il allie l’étude d’un
art pour lequel nous nous reconnaissons un goût personnel à
celle des mouvements culturels d’une époque à
laquelle nous portons un grand intérêt.
L’approche de la technique du vitrail et du fonctionnement des
ateliers répondent à notre curiosité personnelle.
L’étude d’un art susceptible de nous éclairer
sur le sentiment religieux à la fin du XIX° siècle
mais aussi sur le rôle des arts décoratifs dans le même
moment satisfont notre goût pour cette période de l’Histoire
de l’Art. La position du maître-verrier au sein d’un
groupe de collaborateurs, dessinateurs, peintres ou architectes et
face à une clientèle, religieuse ou particulière,
nous apparaît comme une source d'enseignement sur les aspirations
et le goût de la société contemporaine. C’est
pourquoi nous nous sommes attachées à reconstituer le
milieu social de Lucien Bégule et son environnement artistique
et créatif.
Le sujet se limite à Lucien Bégule créateur de
vitraux dans les ateliers qui portent son nom. Ses activités antérieures
que sont ses participations dans d’autres ateliers lyonnais
de décoration ou de création de vitraux et ses activités
ultérieures que sont celles de l’historien et écrivain
connu d’un large public seront mentionnées dans la mesure
où elles permettent une meilleure compréhension de ce
que Lucien Bégule considère comme son œuvre, majeur.
La restauration de vitraux anciens, partie quantitativement peu importante
de ses activités, sera abordée dans la mesure où
elle donne des éclaircissements sur la personnalité
du maître-verrier.
Nous tenterons alors de définir le rôle effectif de Lucien
Bégule dans la création, la genèse et l’exécution
d’une production, religieuse et civile, d’apparence particulièrement
vaste et à cerner sa part réelle dans le fonctionnement
de ses ateliers.
La méthode de travail a présenté
trois étapes successives:
- Une prospection bibliographique permettant de déceler l’existence
de vitraux, religieux ou civils, et de les localiser;
- Une étude des vitraux sur place;
- Un dépouillement d’archives relatives aux édifices
concernés, en quête d’informations complémentaires
sur le commanditaire, le prix, la source iconographique, l’auteur
de l’esquisse préparatoire.
La prospection bibliographique a concerné les archives Lucien
Bégule, archives conservées dans la famille et fonds
versés dans divers centres de conservation, ainsi que des ouvrages
et des revues.
Le point de départ fut l’exploitation des archives de
la famille Bégule (1), malheureusement fort réduites,
quarante-cinq ans après la mort de l’artiste (2). Elles
comprennent cependant: une liste écrite de la main de Lucien
Bégule des "Travaux exécutés dans l’atelier
de Lucien Bégule, maître-verrier, montée de Choulans
à Lyon ", mentionnant ses principaux chantiers de création
(Pièce justificative n°1); ses "Souvenirs " manuscrits,
probablement rédigés vers 1917, où il livre ses
réflexions sur la technique pratiquée dans ses ateliers
et leur organisation, et commente cinquante des interventions qu’il
considère comme essentielles; un recueil photographique représentant
un certain nombre de vitraux photographiés par Lucien Bégule
lui-même une fois leur exécution achevée et avant
leur départ des ateliers pour l’édifice destinataire.
Ces trois sources se recoupent entre elles, mais se complètent.
(1). Un fonds d’archives a été
versé en 1976 aux Archives Municipales de Lyon (Fonds Lucien
Bégule, 9.11.1 à 9.II.23) essentiellement composé
de photographies de vitraux anciens et de textes manuscrits de conférences
données par Lucien Bégule.
(2). Le fonds d’archives familiales a été, depuis
le commencement de nos recherches en 1980, partiellement versé
aux Archives Départementales du Rhône (Fonds Bégule,
1 J): il comprend un recueil photographique des "principaux vitraux
exécutés entre 1880 et 1920 dans les ateliers de Choulans
" et la maquette du vitrail "Louise Labbé "
ainsi qu’un dossier photographique de "vitraux anciens
à sauver de l'oubli"
Le dépouillement d’archives fut poursuivi par celui des
( fonds versés aux Archives Municipales de Lyon et aux Archives
Départementales du Rhône.
La prospection fut complétée par le dépouillement
des ouvrages de Lucien Bégule lui même, de l’abbé
Martin sur l’Histoire des Eglises et Chapelles de Lyon (1),
des manuscrits de Paul Richard (2) et des revues d’actualité
monumentale que sont l’Echo de Fourvière et le Bulletin
Historique du Diocèse de Lyon pour les édifices religieux,
et La Construction Lyonnaise pour tout édifice, religieux ou
civil, revues systématiquement dépouillées sur
la période de 1881 à 1911 correspondant à l’activité
des ateliers Lucien Bégule.
La prospection sur place a permis la campagne photographique et l’élaboration
d’une fiche descriptive pour chaque vitrail, selon un système
uniformisé et mis au point au cours d’un séminaire
de l’Institut d’Histoire de l’Art de l’Université
Lyon II sur "le vitrail à Lyon au XIX° siècle",
séminaire animé par M. Daniel Ternois, Mme Catherine
Brisac et Mme Marie-Félicie Pérez. Elle a surtout permis
la vérification de l’existence de chaque œuvre,
la découverte de nouvelles, l’étude de chacune
et une meilleure connaissance du vitrail du XIX° siècle
en général.
L’étude des vitraux civils est plus difficile du fait
de leur présence dans des édifices privés: leur
accès reste possible si le nom du commanditaire est connu l’utilisation
des annuaires de l’époque donnant des indications sur
leur localisation et la comparaison entre les annuaires de l’époque
et les annuaires actuels permettant la recherche d’héritiers
éventuels. Mais nous détenons les reproductions photographiques
de nombre d’entre eux dont nous n’avons pu vérifier
la conservation actuelle.
(1). MARTIN (J.B.), Histoire des églises et
chapelles de Lyon, 2 volumes, Lyon, Lardanchet,. 1908-1909,
(2). Des documents manuscrits concernant des édifices religieux
de la région lyonnaise sont conservés aux Archives Diocésaines
(bibliothèque de l’archiviste).
Un article passé dans la presse lyonnaise à leur sujet
n’a donné que de maigres résultats (1).
Le dépouillement d’archives susceptibles de nous informer
sur le mécanisme de la commande, l’orgnisation des ateliers
et l’élaboration d’un vitrail fut celui:
- de la série M des Archives Municipales de Lyon, en ce qui
concerne les églises paroissiales lyonnaises;
- de la série O des Archives Départementales du Rhône,
en ce qui concerne ces mêmes édifices;
- de la série "Dossiers d’églises "
des Archives Diocésaines de Lyon où de nombreux fonds
d’archives paroissiales sont déposés;
- des archives de chaque paroisse, lyonnaise si elles n’ont
pas été déposées aux Archives Diocésaines
ou extérieures à Lyon: ces fonds se sont révélés
les plus riches (Boën, Rochemaure, Privas, par exemple).
- des archives de collections lyonnaises privées qui ont apporté
d’importantes informations sur les collaborations de Lucien
Bégule avec certains peintres lyonnais et en ont dévoilé
certaines.
- du fonds "La Charité " des Archives des Hospices
Civils de Lyon qui présentent une grande richesse de documentation:
factures, dessins, cartons.
Ces dépouillements nous ont révélé un
grand nombre de documents écrits (correspondance et factures)
donnant sur l’élaboration du programme de précieuses
indications. Les lacunes archivistiques concernent les maquettes (dont
une seule reste connue, si ce n’est en reproductions photographiques)
et les cartons, rares.
(1). Sur une quinzaine de réponses, toutes exploitées,
trois se sont révélées fructueuses.
Elles sont particulièrement regrettables et il aurait été
intéressant, pour qui tente de recomposer le mécanisme
de la création d’un vitrail, de pouvoir juxtaposer les
successives étapes d’une main d'œuvre.
Nous connaissons les limites des résultats obtenus. L’inventaire
que nous présentons n’a pas la prétention d’être
exhaustif et certains chantiers de vitraux n’ayant pu être
étudiés sur place, faute de leur éloignement
géographique, faute du manque d’informations sur leur
existence actuelle ou faute de leur trop récente découverte,
n’apparaissent qu’en annexe à ce travail. Leur
étude, ainsi que l’exploitation d'archives éventuelles
à leur sujet complèteraient notre connaissance du vitrail
et des ateliers Lucien Bégule. La production de ces ateliers
est vaste et seule une prospection systématique de tous les
édifices religieux dans le quart sud-est de la France, de même
qu’une prospection systématique de tous les édifices
élevés ou restaurés par certains architectes
entre 1880 et 1905 en permettrait un inventaire plus complet.
Nous présentons donc un état des travaux, basé
sur l’inventaire et l’étude archivistique de 379
vitraux à destination religieuse et 43 vitraux à destination
civile et souhaitons poursuivre ces recherches sur Lucien Bégule
lui-même et sur son cadre plus général qui est
celui du vitrail au XIX° siècle.
Introduction.
Les ateliers Lucien Bégule
ouvrent en 1881 à un moment où la renaissance du vitrail
lyonnais s’accomplit depuis une cinquantaine d’années,
offrant au public une superficie vitrée déjà
considérable et permettant la bonne marche d’un nombre
respectable de locaux qui bénéficient d’un contexte
religieux, administratif et financier particulièrement propice.
La gamme des vitraux récemment mis en place à Lyon à
la date de 1881 permet l’insertion du vitrail lyonnais dans
un mouvement plus général de renouveau du vitrail au
XIX° siècle. Les vitraux du lyonnais Lesourd, posés
dans les années 1830 (1), précédent les interventions
plus savantes et plus importantes de maîtres-verriers étrangers
à la région et de grande réputation que sollicite
entre 1840 et 1870 le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon
de 1839 à 1870. Ce sont Emile Thibaud, de Clermont-Ferrand
(2), Charles-Laurent Maréchal, de Metz (3), Steinheil (4) et
Gérente (5), tous deux parisiens (6).
(1). Saint-Irénée, baie 20, 1833; Saint-Paul,
baie axiale, dans les années 1830.
(2). Fourvière, chapelle Saint-Thomas de Cantorbéry,
baie "Pietà ", 1840; Cathédrale Saint-Jean,
restauration des baies absidiales, 1842-1844; Saint-Martin d’Ainay,
baies absidiales, 1845; Saint Bonaventure, verrières absidiales,
1848.
(3). Cathédrale Saint-Jean, chapelles du Saint-Sépulcre
et des Bourbons, 1845; Saint-Bonaventure, chapelle du Sacré-cœur,
1850; Saint-Irénee, baies absidiales, après 1850; église
Saint-Georges.
(4). Saint Bonaventure, chapelle Saint-Joseph, 1854; Saint-Bernard,
baies absidiales, 1866; chapelle de l’Institution des Chartreux,
vitrerie complète, 1869.
(5). Cathédrale Saint-Jean, absidiole sud, 1846
(6). L’étude des vitraux du XIX° siècle à
Lyon a été en partie facilitée par la consultation
autorisée par M. Ternois des dossiers élaborés
dans le cadre de son séminaire par les étudiants.
L’essor démographique
lyonnais est lié au développement urbanistique de la
ville qui connaît une période particulièrement
féconde sous le Second Empire de son histoire monumentale,
civile et religieuse. A l’épanouissement du vitrail religieux
s’adjoint, dans le dernier tiers du XIX° siècle, le renouveau
du vitrail civil.
La rénovation ou la création des quartiers des Terreaux,
des Brotteaux et de la Guillotière entraînent des constructions
qu’il convient de décorer. L’importance du décor
vitré dans le quartier de la Préfecture a été
démontrée (1). La rue Impériale (rue de la République
actuelle) présente des vitraux ni signés ni datés
dont on peut situer la création dans les dernières années
du XIX° siècle (2). Le progrès industriel régional
(usines Gillet, maison Claude-Joseph Bonnet, usines Villy, par exemple)
permet le financement du décor souvent somptueux et dont la
partie vitrée pas négligeable, des demeures commandées
par leurs magnats.
Les ateliers lyonnais de vitraux bénéficient de conditions
favorables en 1880 à là montée de leur production,
religieuse et civile.
Dans le domaine du vitrail religieux, la situation se dégrade
corrélativement à une politique gouvernementale anti-cléricale
dont l’amorce est, en 1880, l’expulsion des Jésuites
et des Congrégations et dont la conséquence capitale
pour le vitrail religieux est la séparation en 1905 de l’Eglise
et de l’Etat qui aboutit à la confiscation par l’Etat
des biens ecclésiastiques.
(1). Anne-Sophie CLEMENCON, L’entrée et
son décor, Guide du quartier Préfecture, Lyon 1886--1906,
Lyon, CNRS-EPR, 1980.
(2). Immeubles, des 13 et 28 rue de la République à
Lyon 1°.
La renaissance du vitrail civil éclot
après celle du vitrail religieux et se développe parallèlement.
La prospérité des maisons Roux, Nicot et Jubin qui rachète
en 1911 le stock de verres des ateliers Lucien Bégule, Crevard
qui agrandit ses locaux en 1908 (1) et Flachat en témoignent.
Ce renouveau ne supplée cependant pas à la carence des
commandes religieuses et entraîne l’exécution médiocre
d’une œuvre qui se sclérose en ayant recours à
des procédés éloignés de la technique
du vitrail : l’insertion de plaques photographiques ou l’utilisation
de la "vitrauphanie, papier uni ou imprimé qui, verni et
transparent, sert à imiter les vitraux peints " (1900)
(2). En 1905, au moment où l’école nancéenne
de vitrail civil connaît son plein épanouissement, la
situation générale du vitrail français prend
une tournure grave qui conduit la Chambre syndicale des verriers français
à adresser au Sous-Secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts
une supplication (3). Cette date coïncide à la fois à
la création dans les ateliers Lucien Bégule de la vitrerie
complète d’une villa de tendance "Art Nouveau "
caractéristique dans le Beaujolais et à la cessation
de leurs activités.
Comment, dans cette période mouvementée de l’histoire
du vitrail, Lucien Bégule assure-t-il à ses ateliers
la prospérité qu’on leur reconnaît au point
d’associer parfois le vitrail lyonnais des dernières
décennies du XIX° siècle à leur seule production
et au point de s’interroger sur la participation personnelle
effective du maître-verrier dans la création des vitraux
portant sa signature?
(1). A.TUOTIOP, "Le vitrail privé ",
La Construction Lyonnaise, tome XXIV, 1908, pp.39-40.
(2). CELESTIN "Vitrophanie ", La Construction Lyonnaise,
tome XVI, 1900,. p.53.
(3). Une partie en est rapportée par Lucien Bégule,
"Les vitraux ", Lyon en 1906, p.23.
Nous tenterons de l’expliquer
en étudiant successivement les motivations personnelles de
Lucien Bégule l’incitant à fonder ses propres
ateliers, le fonctionnement de ses ateliers et les processus de création,
de la genèse à l’exécution de l’œuvre,
qui y sont employés et en dégageant les particularités
iconographiques, techniques et stylistiques de ses vitraux. Nous nous
appuierons pour cela sur les éléments biographiques,
sur l’inventaire des œuvres et sur la bibliographie dons
nous disposons actuellement à son sujet.
1° Partie : Lucien Bégule
1848 / 1935
A. L’homme et son milieu.
La photographie (1) montre un homme
à l’apparence austère, strictement vêtu,
au regard sévère. Ses contemporains reconnaissent en
lui "un caractère si ferme, si éloigné de
toute compromission qu’on l’accuse parfois d’intransigeance
" (2). Les réponses sèches qu’il fournit
à l’encontre des éventuelles critiques formulées
sur son œuvre révèlent la rigueur exigeante d’un
tempérament peu commode. Les dernières années
de sa vie accusent encore le côté sombre et taciturne
de sa personnalité (2).
(1) Non datée, probablement dans les dernières
années d’activité des ateliers.
(2). Louis de LONGEVIALLE, "Discours prononce aux obsèques
de Lucien Bégule ", Mémoires de l’Académie
de Lyon, 1936, P. 117.
A1). Sa famille.
Lucien Bégule présente certains traits hérités
de sa famille.
Sa famille est naturellement tournée vers le passé et
vers son père, commissaire-priseur, son oncle collectionneur
de tableaux. (3). Il est élevé dans le cadre du château
de la Tour à Saint-Genis-Laval (4.) et prend très jeune
l’habitude de s’intéresser aux choses du passé.
C’est aussi de sa famille qu’il tient la foi religieuse
qu'il professe toute sa vie. Il naît au sein d’une famille
catholique pratiquante et reçoit l’éducation du
collège jésuite de Mongré réputé
alors pour la formation d’individus de "haute valeur morale
et intellectuelle " (5). Il accorde à la religion chrétienne
une place essentielle dans sa vie et ses "Souvenirs " livrent
ses impressions sur sa paroisse, Saint-Irénée (6), sur
les amitiés qu’il noue au sein du corps ecclésiastique
et sur i’intérêt qu’il porte à l’art
religieux. La dévotion particulière qu’il professe
à l’égard de Saint Georges (7), patron de son
père et de son fils, révèle la fois sa foi chrétienne
et son sens de la famille.
(1). "Les vitraux de la Charité "
(s.n.), E. de F., 1890, p.605 en réponse à l’article
"Restauration de l’église de la Charité "
(s.n.), E. de F., 1890, pp.592-593.
(2). Communication orale de M.Pierre Vincent, petit-fils du Docteur
Loison, ami intime de Lucien Bégule, le 8 janvier 1982.
(3). Communication écrite de M.Ennemond Bégule, le 24.
mars 1983.
(4). Ce château présente aujourd’hui encore des
traits architecturaux du XVI° siècle et du XVIII° siècle
ainsi qu’un décor peint au XVII° siècle.
(5). Louis de LONGEVIALLE., op. cit., p.117. (6). Souvenirs, pp.65-66.
(7). Souvenirs, P.69.
Lucien Bégule est par ailleurs
un "ami de première heure " (1) du journal "Le
Nouvelliste ", organe lyonnais de défense du catholicisme
en une période de remise en cause de l’Eglise. Il manifeste
son soutien à cette presse conservatrice et fait don d’un
vitrail destiné à décorer la salle des dépêches
(2).
A2). Ses amis.
Dominique Meynis (1800-1887) est un ami des parents de Lucien Bégule
dont il est aussi un proche voisin. Auteur d’ouvrages d’intérêt
local dont le plus important est les Grands Souvenirs de l’Eglise
de Lyon (3), il concentre ses recherches sur le passé chrétien
de Lyon, sur l’historique de certains édifices religieux
et sur l’hagiographie lyonnaise. Il cumule les responsabilités
au sein d’associations catholiques: il est, entre autres, secrétaire
général de l’œuvre de la Propagation de la
Foi et président du conseil de fabrique de la paroisse Saint
Irénée,
Auguste Monvenoux (1827-1905) est le "vieil et fidèle
ami " (4) architecte qui construit les bâtiments des ateliers
en 1881. Nommé par le préfet Vaisse conducteur des travaux
de construction du Palais du Commerce en 1855, il est ensuite architecte-conservateur
de ce palais. La passion qu’il met à réunir des
documents et des plans concernant le passé architectural lyonnais
le conduit à collaborer avec certains auteurs dont Dominique
Meynis pour une étude sur l’église Saint-Irénée,
Lucien Bégule pour la monographie de la cathédrale et
André Steyert pour l’élaboration d’une nouvelle
histoire de Lyon (5).
(1). "Lucien Bégule TT (s.n.), Le Nouvelliste,
3 février 1935.
(2). Le siège du journal "Le Nouvelliste " est un
hôtel construit en 1893 par Malaval. La salle des dépêches
est aujourd’hui détruite et nous n’avons pu obtenir
de la direction actuelle aucun renseignement écrit ou photographique
à son sujet.
(3). Dominique MEYNIS, Grands souvenirs de l’Eglise de Lyon
•Lyon, Vitte, 1886.
(4). Souvenirs, p.44.
(5). André STEYERT, Nouvelle histoire de Lyon, 3 tomes. •Lyon,
Bernoux et Cumin, 1895.
Eugène Loison (1862-1936), chirurgien et érudit, auteur
d’articles sur l’histoire de l’hospice de la Charité
(1) est le successeur de Lucien Bégule en 1929 à la
conservation des antiquités et objets d’art du département
du Rhône (2) et l’ami intime de Lucien Bégule qui,
dans les dernières années, passe deux à trois
soirées par semaine chez lui, 9 rue du Plat à Lyon (3).
Henri Lagrange (1845-1909) est un "vieil et très fidèle
ami " (4), avocat, conseiller général du Rhône,
réputé pour la bienveillance de son caractère
et la conviction de sa foi chrétienne (5).
Edouard Didron (1836-1902) à qui Lucien Bégule rend
visite à chacun de ses séjours parisiens est un maître-verrier
et un écrivain. Maître-verrier, il est, à partir
de 1853 associé à son oncle Adolphe Didron dans un atelier
parisien très productif et collaborateur d’Eugène
Viollet-le-duc (6). Ecrivain, il acquiert une solide réputation
d’historien du vitrail par les articles qu’il publie dans
la Revue des Arts Décoratifs (7). Il est un tenant du vitrail
archéologique: c’est ce type de vitrail qu’il exécute
dans son atelier et qu’il défend dans ses écrits.
C’est dans son atelier qu’Eugène Grasset, conduit
par Lucien Bégule, reçoit son initiation à l’art
du vitrail, en 1889.
(1). Eugène LOISON, "L’hospice de
la Charité ", album du Crocodile, n°11, mars-avril
1934.
(2). Communication écrite de M.Mathieu Méras, conservateur
des antiquités et objets d’art du département
du Rhône, le 26 novembre 1981.
(3). Communication écrite de M.Pierre Vincent, petit-fils d’Eugène
Loison, le 3 décembre 1981.
(4)..Souvenirs, p.64.
(5). "Henri Lagrange " (s.n.),. Lyonnais d’hier, Saint—Etienne,
1910, p.221.
(6). Viollet-le-Duc, catalogue d’expositions Paris, Musées
Nationaux, 1980, p.4O7.
(7). "Le vitrail depuis cent ans et à l’exposition
de 1889 ", R.A.D., 1889-1890, pp.39-48 et pp.97-l08 et pp.l37-l54;
"Le concours des vitraux de Jeanne d’Arc pour la cathédrale
d’Orléans ", R.A.D., 1894, pp.194-206; "Les
vitraux à l’exposition de 1900 ", R.A.D., pp.269-277
et pp.3l5-325.
A3). Sa bibliothèque.
Le soin que Lucien Bégule apporte à se constituer au
fil des années une bibliothèque essentiellement composée
de livres d’art ou d’histoire permet d’en supposer
l'importance: "Dès mon association avec Miciol (en 1873),
tout ce que je pouvais prélever en comptes de levées
passait en achat de livres d’art et je possédais déjà
une très importante série de grands ouvrages de décoration
et d’architecture, premier fonds de ma bibliothèque "
(1). Nous n’avons cependant que peu de renseignements sur son
contenu exact dispersé par ses descendants (2) si ce n’est
la présence :
- du Précis d’Archéologie d’Arcisse de Caumont
(3),
- du Dictionnaire Géographique de la France d’Adolphe
Joanne (4), amorce d’un inventaire architectural des communes
françaises et
- du Dictionnaire d’architecture d’Eugène Viollet-le-Duc
(5). Le rôle joué par ce Dictionnaire est déterminant
dans la carrière de Lucien Bégule et le conforte dans
son attirance "instinctive et invincible pour les chefs-d'œuvre
du Moyen-Age et en particulier pour ceux du XIII° siècle,
de préférence à ceux de l’Antiquité
ou des temps modernes " (6).
A4). Ses voyages.
Lucien Bégule complète ses connaissances de l’art
ancien par une série de voyages, fréquents pendant sa
période de formation et destinés à la visite
des musées de peinture (séjours à Paris et à
Londres) (7) ou à l’étude des vitraux du Moyen-Age
et de la Renaissance (cathédrales de Chartres, Sens, Bourges,
Troyes).
(1). Souvenirs, p.38.
(2). Communication écrite de M.Ennemond Bégule, le 24
mars 1983.
(3). Arcisse de CAUMONT, Rudiment d’archéologie, Caen,
Leblanc-Hardel, 1868.
(4). Adolphe JOANNE, Dictionnaire géographique, administratif,
postal, statistique, Paris, Hachette et Cie, 1872.
(5). Eugène VIOLLET_LE-DUC, Dictionnaire raisonné de
l’architecture française du XI° au XVI° siècle,
10 tomes, Par B.Bance et A.Morel, 1854 à 1868.
(6). Souvenirs, p.37.
(7). Ses Souvenirs ne livrent aucune précision sur les écoles
ou les époques de peinture particulièrement étudiés
au cours de ces voyages.
Le fonds Lucien Bégule des Archives Municipales de Lyon présente
une collection importante de photographies de vitraux anciens prises
par lui dans la région lyonnaise mais aussi à Bayeux,
Châlons-sur-Marne, Orléans, Poitiers, Ecouen, Rouen.
Il visite l’Italie entre 1900 et 1905 à l’occasion
de son étude sur les incrustations décoratives de Lyon
et Vienne. Par la suite, ses activités de maître-verrier
l’amènent à parcourir régulièrement
la région lyonnaise et le sud-est de la France de même
que ses activités de conservateur des antiquités et
objets d’art exigent une connaissance minutieuse du département
du Rhône.
Lucien Bégule se constitue au cours de ces excursions une documentation
photographique fournie: il est un photographe averti, membre du Photo-Club
de Lyon (1), et qui, par ses relations personnelles avec les Frères
Lumière (2), se tient à la pointe du progrès
en matière photographique, révélant ainsi une
facette de sa personnalité ouverte à certains aspects
de l’évolution des techniques.
Lucien Bégule appartient à un milieu matériellement
et intellectuellement privilégié. Son entourage, respectueux
des traditions, qu’elles soient artistiques ou religieuses,
permet de cerner une personnalité essentiellement tournée
vers le passé. Sa nomination en 1905 au poste de conservateur
des antiquités et objets d’art du département
du Rhône consacre cette inclination naturelle. Il déploie
une débordante activité dans la défense du patrimoine
artistique local.
(1). "Lucien Bégule " (s.n.), Le Salut
Public, 2 février 1935.
(2). Communication orale de M.Lucien.-René Bégule, petit-fils
de l’artiste, le 12 mai 1980.
Il sillonne le département de façon systématique
dans le but de rédiger un inventaire complet de ses richesses
artistiques (1) et avec l’ambition de voir son exemple suivi
dans toute la France. Son adhésion en 1923 à la "Sauvegarde
de l’art français " illustre cette préoccupation
essentielle (cf. pièce justificative n°2)
C’est son mariage en 1874 qui le pousse à rentabiliser
son goût pour l’art religieux et son penchant pour l’art
médiéval: "il fallait songer à mettre le
pied à l’étrier, sous peine d’encourir la
disgrâce d’un beau-père (2) artisan de sa fortune
qui entendait bien et avec raison que son gendre suivit son exemple
" (3).
B. Sa formation.
B1). Ateliers Bossan.
"Bossan avait à Lyon son cabinet d’architecture
sur le quai Rambaud, non loin de l’arsenal (...). C’est
là que j’ai passé les mois les plus heureux de
mes débuts artistiques dans un milieu de travail et d’enthousiasme.
Mais obligé de chercher pour sa santé un climat plus
tempéré, il s’était retiré (...).
Désireux de profiter plus amplement des conseils et de la direction
d’un maître qui excellait comme éducateur et que
je savais apprécier, je lui demandai la faveur d’aller
passer quelque temps auprès de lui à Valence où
il se consacrait exclusivement aux études de Fourvière
et de la Louvesc " (4).
(1). Cet inventaire aboutit à la publication
des Antiquités et richesses d’art du département
du Rhône, Lyon, Rey, 1925.
(2). François Bonnet, teinturier.
(3). Souvenirs, p.43.
(4). Lucien BEGULE, L’architecture religieuse à notre
époque, notes et souvenirs Lyon, Rey, 1941, pp.l5—l6.
Cette brochure est en fait exclusivement consacrée à
Pierre Bossan.
C’est dans un atelier d’architecte
que Lucien Bégule fait ses débuts artistiques et ce
passage particulièrement bref (quelques mois probablement)
marque profondément l’élève. Il voit en
Pierre Bossan le créateur original d’un style nouveau
associant des éléments issus de styles antérieurs
divers et garde pour ce maître une admiration sans limite comme
le prouve les diverses études qu’il lui consacre (1).
B2). Ateliers Chatigny.
Lucien Bégule rentre en 1870 dans l’atelier de Jean-Baptiste
Chatigny dont il suit les cours de dessin jusqu’en 1873.
Jean-Baptiste Chatigny (1834.-1886), élève de l’école
des Beaux-Arts de Lyon puis de Paris) complète sa formation
par de fréquents voyages en Italie et se fixe à Lyon
en 1862. Il est un peintre, un décorateur mural, un dessinateur
auteur d’études destinées à des vitraux
et un sculpteur. Il crée à Lyon un atelier de dessin
où il dispense un enseignement classique (basé sur l’étude
des maîtres de la Renaissance.) C’est dans son atelier
que Lucien Bégule rencontre le sculpteur Charles Dufraine avec
lequel Chatigny est lié d’une étroite amitié
et auquel Lucien Bégule consacre en 1902 un ouvrage.
B3). Ateliers Miciol.
Lucien Bégule s'initie à la peinture sur verre dans
l’atelier de Pierre Miciol, beau-frère de Jean-Baptiste
Chatigny, de 1872 à 1876.
Elève des écoles des Beaux-Arts de Lyon puis de Paris
en gravure, Pierre Miciol obtient le second prix de Rome en 1858 et
le premier prix de l’Académie en 1860. Après un
séjour à la villa Médicis, il se fixe à
Lyon et fonde un atelier de peinture sur verre 9 rue Jarente, en 1866.
(1). Lucien Bégule aurait souhaité être
l’auteur d’une monographie de la basilique de la Louvesc
(A.M.L., 9.II.16 : conférence et documentation iconographique
sur la Louvesc
Il fournit en 1867 l’ensemble
des vitraux de la chapelle de l’Institution Saint-Joseph et
s’associe avec Lucien Bégule en 1872. Ils remportent
une médaille d’argent à l’exposition universelle
de Lyon de 1872 et exécutent le vitrail de la chapelle des
fonts baptismaux de l’église Notre-Dame des Marais à
Villefranche-sur-Saône en 1874 (cf. photo.p.23 bis).
Les ateliers Miciol fournissent entre 1872 et 1878 les vitraux des
collatéraux de Saint-Denis de Croix-Rousse, en 1874 le "Mariage
de la Vierge " de l’église de Gleizé (Rhône)
et en 1876 les vitraux de la chapelle des religieuses Notre-Dame de
Fourvière. Ces ensembles pourraient éventuellement être
le fruit de la collaboration de Pierre Miciol et de Lucien Bégule.
(cf. photo p. 23 bis).
Les ateliers Miciol sont repris en 1879 par Joanny Paquier Sarrasin,
autre élève de Jean-Baptiste Chatigny.
B4). Collaboration avec Razuret.
Lucien Bégule devient en 1877 et pour trois ans le collaborateur
de Jacobé Razuret.
Jacobé Razuret (1829-1895), élève de Tony Desjardins
et collaborateur de Pierre Bossan, est un décorateur d’églises
(1). Spécialiste décor mural ornemental en végétations
stylisées dans des compositions simples, le plus souvent symétriques
et très poussées dans les détails, il décore
en collaboration avec Lucien Bégule les chapelles de l’église
de Saint-Cyr au Mont d’Or (Rhône), des Dominicains d’Oullins
(Rhône), de l’église de Montrevel (Ain) et l’église
provisoire de l’Annonciation à Lyon (cf. photo p.24.
bis) . Cette collaboration fait naître chez Lucien Bégule
une profonde admiration pour Jacobé Razuret:
(1). Il est le décorateur des églises d’Ars, Saint-Denis
de la Croix-Rousse, de la chapelle de l’hôpital Saint-Joseph
et de la chapelle Saint-Michel d’Ainay à Lyon.
"Si, par la suite, j’ai pu aisément composer les
dispositions d’ensemble et les détails d’ornementation
de toutes mes verrières, je le dois, en grande partie, à
ma collaboration aux travaux de Razuret " (1). Dans les vitraux
créés dans les ateliers Lucien Bégule par la
suite, certains éléments des bordures (rinceaux, végétations
stylisées) forment des motifs ornementaux semblables à
ceux des décors muraux de Jacobé Razuret.
C. Son œuvre.
Lucien Bégule est un écrivain
et un maître-verrier. A chacun des deux aspects de sa personnalité
correspond une œuvre, l’œuvre de l’écrivain
se situant chronologiquement après celle du verrier.
C1). L’œuvre du maître-verrier:
1881-1911.
C1.1 La restauration
Les ateliers Lucien Bégule produisent une œuvre de restauration
et une œuvre de création.
Lucien Bégule restaurateur de vitraux intervient:
- à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Lyon où
il remet en état successivement la grande rose de la façade
occidentale en 1884, rose exécutée en 1394 par Henri
de Nivelle et la rose du transept septentrional en 1887, rose qui
date du XIII0 siècle;
- à l’église Saint-Nizier de Lyon où il
remet en état successivement deux roses, celle du transept
méridional en 1888, celle du transept septentrional en 1889;
- à l’église Notre-Dame des Marais de Villefranche-surSa6ne
où il remet en état en 1886 le vitrail de sainte Anne,
saint Pierre et saint Jacques qui date de la fin du XV~ siècle.
(1). Souvenirs, p.37.
Ces interventions donnent à Lucien Bégule l’occasion
de mettre à l'épreuve ses connaissances historiques
du vitrail et d’étudier de près la technique des
verriers des XIII°, XIV° et XV° siècles. Il semble
cependant que Lucien Bégule prenne parfois le parti de remplacer
des pièces anciennes par des créations modernes ne respectant
pas toujours l’œuvre primitive (la rose septentrionale
de la cathédrale se voit attribuer un ange supplémentaire
(1)) et commettant éventuellement des erreurs iconographiques
(le groupe de sainte Anne trinitaire à Villefranche-sur-Saône
est transformé en sainte Anne accompagnée de la Vierge
et de Marie fille de Salomé (2))•
C1.2 La création
L’œuvre de création de Lucien Bégule maître-verrier
est quantitativement importante. Les ateliers fournissent des vitraux
à 92 édifices religieux, 14 édifices civils connus,
dans l’état actuel des recherches. Il faut ajouter à
cette production 2 œuvres religieuses de destination inconnue
et 12 œuvres civiles sans destination précise, ainsi qu’un
projet de vitraux civils non exécuté (cf. liste chronologique
récapitulative, p.355).
La répartition géographique (cf. carte p.27) des vitraux
créés par les ateliers marque une forte concentration
sur Lyon (26 édifices), le département du Rhône
(19 édifices) et les départements limitrophes de la
Loire (14 édifices) (3), de l’Ain (4 édifices)
et de la Saône Et-Loire (6 édifices) .
(1). Véronique Chaussé et Marc Pabois
Vitrail, objectif Rhône-Alpes, Lyon, 1982, p 27.
(2). Véronique Chaussé et Marc Pabois. - "Les vitraux
de Notre-Dame des Marais ", Bulletin de l’Académie
de Villefranche, 1981-1982, pp.48-5O.
(3). Cette relative concentration dans la Loire est remarquable compte-tenu
de l’existence des ateliers Mauvernay à Saint-Galmier.
Toutes les interventions en France se situent dans le quart sud-est,
une exceptée (Porit-Scorf en Bretagne)(1). Les ateliers répondent
à cinq commandes destinées à l’étranger:
Rio de Janeiro, Le Caire, Nagasaki, Lausanne et xxxxxxxxx en (Suisse).
Plusieurs des commandes passées pour une destination extérieure
à la région lyonnaise sont le fait de clients ou intermédiaires
lyonnais : Monseigneur Marnas pour Nagasaki, l’abbé de
Rochemure pour Rochemaure, Pierre Bossan pour la Louvesc, les Hospices
Civils de Lyon pour Giens, Edouard Aynard pour Fontenay.
Chronologiquement, la production des ateliers ouverts de 1881 à
1911 se répartit de 1881 à 1905 (3). Le succès
de la monographie de la cathédrale de Lyon et la réputation
acquise par Lucien Bégule au sein du corps ecclésiastique
lyonnais servent le lancement des ateliers dont "les premières
années, difficiles cependant puisque tout était à
créer, voient les travaux bientôt affluer " (2).
Les années 1891 à 1898 marquent la plus forte intensité
de production, l’année 1891 étant d’ailleurs
l’année de la commande la plus importante passée
aux ateliers (par les Religieuses de Saint-Vincent-de-Paul à
Rio de Janeiro). L’année 1895, que Lucien Bégule
choisit pour donner un aperçu de l’organisation et du
personnel des ateliers, apparaît comme l’année
optimale.
Aucune œuvre connue ne porte de date postérieure à
1905 si ce n’est les vitraux de style cistercien destinés
à l’abbaye de Fontenay en 1911 (simple vitrerie à
bornes). La loi de Séparation de 1905 met un terme définitif
à une production déjà en nette diminution.
(1). Il aurait été intéressant
d’obtenir des renseignements sur l’origine de cette commande
isolée et nous regrettons que notre correspondance avec les
autorités ecclésiastiques locales soit restée
sans réponse.
(2?. Souvenirs, p.45.
(3). Cf. liste chronologique détaillée, pp. 355 &
ss.
Par une bataille publicitaire en faveur du renouveau du vitrail civil
(1) qu’il encourage déjà depuis 1890 (2), Lucien
Bégule tente de pourvoir au fonctionnement d’ateliers
primitivement fondés pour la fabrication de vitrail religieux
et considérablement réduits depuis 1902.
La part des vitraux civils est quantitativement beaucoup moins importante
que la part des vitraux religieux dans de l’œuvre. Le vitrail
civil n’est pas la fonction première des ateliers destinés
à des "travaux religieux principalement " (3). L’œuvre
civile s’étale de 1883 à 1905 et culmine en 1895
corrélativement à la totalité de l’œuvre.
L’énoncé de l’œuvre créatrice
doit être complétée par la mention d’une
collaboration unique entre Lucien Bégule et Baron, verrier
lyonnais. Ils signent ensemble un vitrail en l’église
de Saint-Bonnet-le-Château (baie 6) consacré à
saint Joseph : Lucien Bégule est ici le dessinateur d’un
vitrail (4) exécuté par Baron. Cette collaboration pose
un problème dans la mesure où elle n’est pas datée
(cf. inventaire p. 253).
Il s’agit probablement de Pierre-Auguste Baron, né en
1803, qui a établi en 1843 un atelier <cf. p.11) de vitraux
place Saint-Paul à Lyon. S’agirait-il d’une collaboration
antérieure à l’installation des ateliers en 1881?
(1). C’est à cette date que Lucien Bégule
publie Vitraux d’appartement, Lyon, 1904 et "Les vitraux
", Lyon en 1906, p. 23.
(2). Gaspard ANDRE, "Les vitraux et Lucien Bégule ",
Lyon à l’Exposition Universelle de 1889, Lyon, Storck,
1890, p.28O: "A entendre M.Bégule, le vitrail laïque
devrait être obligatoire (...) ".
(3). Souvenirs, p..44.
(4). C’est la fonction que choisira son fils, Emile Bégule
(1880-1972) qui a dessiné pour de nombreux vitraux exécutés
par la maison grenobloise Balmet principalement (baies des bas-c6tés
en l’église Saint-Pothin par exemple).
C2). L’œuvre d’écrivain.
La "liste des ouvrages publiés par M.Lucien Bégule
" (pièce justificative n°3, p. ) mentionne vingt titres,
de 1879 à 1931. L’essentiel des publications inter vient
après 1900 au moment où la production des ateliers se
restreint. S’y ajoutent un article publié en collaboration
avec Emile Bertaux au sujet d’un vitrail profane du XV°
siècle (1), la participation à l’illustration
de Lyon ville d’art (2) et les manuscrits de dix-sept conférences
(3) données au sujet du vitrail, de la sculpture médiévale,
des cathédrales françaises, de l’art religieux
contemporain, de l’art en Savoie, de l’église de
la Louvesc, de certains aspects de l’art italien ainsi que le
manuscrit de ses mémoires.
Il s’agit d’une œuvre essentiellement descriptive
où l’auteur, servi de connaissances historiques sûres,
fait preuve de curiosité artistique et d’un sens de l’observation;
c’est d’un homme cultivé et attentif plus que l’œuvre
d’un chercheur.
(1). Lucien BEGULE et Emile BERTAUX, "Un vitrail
profane du XV° siècle ", Gazette des Beaux-Arts, tome
XXXVI, 1911, pp.407-.4l6 (il s’agit du vitrail de la Bessée
de Villefranche-sur-Saône).
(2).Henri d’HENNEZEL, Lyon, ville d’art, Paris, Laurens,191
(3). Ces manuscrits sont conservés aux A.M.L. (9.11.8 à9.II.16)
D/ Fonctionnement des ateliers de Lucien Bégule.
"Je résolus de créer à Lyon un atelier de
peinture sur verre, aussi parfaitement organisé que possible,
exclusivement destiné à des travaux d’art, religieux
principalement (...)" (1).
Mécanisme de la commande.
D1) Recrutement et sociologie de
la clientèle.
La création des ateliers intervient en 1881, moins d’un
an après la publication de la monographie de la cathédrale.
Le détonateur du lancement des ateliers est la renommée
acquise par Lucien Bégule à cette occasion dans les
milieux ecclésiastiques aussi bien qu’auprès du
grand public. La réputation de Lucien Bégule au sein
du corps ecclésiastique local ainsi que ses relations personnelles
vont servir les ateliers à la recherche d’une clientèle.
Cette clientèle est constituée soit de conseils de fabrique
paroissiaux soit de particuliers. Les conseils de fabrique, chargés
de la construction ou de l’entretien des édifices paroissiaux
regroupent des représentants de la municipalité, de
la communauté paroissiale et du clergé. Ils accident,
parfois avec la collaboration d’un architecte, des opérations
à effectuer.
Les clients particuliers sont soit des donateurs intervenant par l’intermédiaire
du conseil de fabrique soit des commanditaires privés passant
un ordre, du domaine civil ou du domaine religieux.
Le choix du verrier peut donc être imposé par le curé
de la paroisse ou le milieu ecclésiastique, par l’architecte
de l’édifice ou par le donateur du vitrail.
(1). Souvenirs, p.44.
D2) Rôle du corps ecclésiastique
:
C’est à ses relations personnelles avec certains curés
de paroisses liées à l’influence de ces derniers
sur les conseils de fabrique que Lucien Bégule doit les commandes
des vitraux de Notre-Dame Saint-Vincent et du Bon Pasteur de Lyon
et de ceux de Saint-Louis de Roanne (1).
Toute décision relative aux édifices diocésains
quant à eux (basiliques ou cathédrales) émane
de l’évêque lui-même, dont l’autorité
s’exerce naturellement sur le clergé diocésain,
ou, d’un proche collaborateur (architecte diocésain par
exemple).
Lucien Bégule s’attache la bienveillance du corps ecclésiastique
dont il n’ignore pas le rôle d’influence. Les ateliers
sont bénis, dès leur ouverture, par le cardinal Caverot
qui, le 1° avril 1882 (2), prend la peine de rendre visite à
Lucien Bégule, de même que le cardinal Coullié
bénira en 1895 l’imprimerie Vitte spécialisée
dans l’édition de littérature religieuse locale
et les locaux du journal "Le Nouvelliste " défenseur
du catholicisme lyonnais (3). Il semble que ce soit Lucien Bégule
lui-même qui ait sollicité cette visite sous le prétexte
de soumettre au cardinal le projet du vitrail commémoratif
du vœu de 1643 destiné à chapelle de Fourvière.
En 1886, Lucien Bégule décide d’offrir au chapitre
de la cathédrale le vitrail commandé pour les fonts
baptismaux (cf. pièce justificative n° 4 p.385). Il apprécie
à leur juste valeur les satisfactions de Vaudremer et Révoil
architectes~ diocésains chargés de la réception
des travaux de restauration qu’il exécute à la
cathédrale (4).
(1). Il s’agit des abbés Caudour, Durand
et Chièze: Souvenirs, pp.44 47 et 50.
(2).E. de F:, 1882, p.155.
(3).B.H.D.L., 1895, tome 1, pp.69 et.103.
(4).. Souvenirs, pp.52-53. .
Les revues religieuses que sont l’écho
de Fourvière et le Bulletin Historique du Diocèse de
Lyon publié sous le patronage de l’évêque
ne sont pas étrangères à la renommée qu'acquiert
Lucien Bégule martre-verrier. L’ouverture des ateliers
y est chaleureusement accueillie. Dès 1881, l’Echo de
Fourvière prédit un grand succès aux ateliers
nouvellement ouverts, saluant dans les premiers travaux un "encourageant
début " (1), les plaçant immédiatement «
au plan des célèbres ateliers de Paris, Metz, Chartres
et Tours " (2) tout en négligeant de nombreux autres ateliers
locaux.
Chargées de la transmission des idées comme de l’information
évènementielle concernant les édifices, ces revues
annoncent ponctuellement les poses récentes de vitraux et assurent
aux ateliers une publicité attentive. La régularité
et la bienveillance de leurs appréciations assurent à
Lucien Bégule une réputation d’ "artiste
chrétien " (3) aussi utile que fondée.
D3) Rôle de l’architecte
:
La coïncidence des interventions de Lucien Bégule et de
certains architectes sur un même chantier révèle
l’influence de ces derniers sur les conseils de fabrique ou
dans leur rôle de coordonnateur entre le commanditaire et les
divers corps de métier.
Les œuvres de Lucien Bégule sont associées celles
de Pierre Bossan, Charles Franchet, Charles Roux-Meulien.
C’est Pierre Bossan (1814-1888) qui confie à Lucien Bégule
deux chantiers: les vitraux de la crypte de Fourvière, en 1885,
alors que les vitraux de l’église haute, exécutés
après la mort de Pierre Bossan et sous la direction de Sainte-Marie
Perrin, ne lui sont pas confiés (4);
(1). E. de F., 1881, p.l77.
(2). idem.
(3). E. de F., 1884, Dp.3l8, 352, 391.
(4). Louis Challéat, notes manuscrites, 1982.
Les vitraux de la basilique de la
Louvesc : Leur exécution lui est confiée en 1885 (1)
et achevée en 1889 après la mort de Pierre Bossan.
Les commandes passées par l’intermédiaire de Pierre
Bossan sont corrigées dans leur moindre détail par celui-ci
avant d’être portées à exécution:
Il exige que les maquettes lui soient soumises et les modifie de sa
main quand il n'est pas lui-même l’auteur, comme c’est
très probablement le cas pour les vitraux de la crypte de Fourvière
(2).
C’est par l’intermédiaire de Pierre Bossan que
l’architecte Charles Franchet (1838-1902) son disciple et son
associé entre 1869 et 1872, entre en relations avec Lucien
Bégule. Le style de Charles Franchet s’inspire, dans
la plupart des cas, de celui de Bossan (3). Il participe par ailleurs
au renouveau des styles antérieurs en construisant dans le
style ogival (4) ou en restaurant en style-classique (5). Il est un
élève de Jean-Baptiste Chatigny, un ami de Charles Dufraine
et un collaborateur de l’orfèvre Thomas-Joseph Armand-Caillat.
Charles Franchet et Lucien Bégule collaborent: à l’église
de Bessenay où l’architecte est chargé de l’exécution
de plans dressés par Pierre Bossan; à l’église
Notre-Dame Saint-Vincent de Lyon (6); à l’église
du Sacré-cœur de Bourg-en-Bresse; à la chapelle
des Dames du Sacré-cœur, rue Boissac à Lyon.
(1). Lucien BEGULE, L’architecture religieuse
à notre époque 1941, p.18.
(2). Louis Challiat, notes manuscrites, 1982.
(3). C’est le cas de la chapelle du Sacré-cœur et
le cas de la chapelle des Religieuses Marie-Thérèse
à Lyon.
(4). C’est le cas du château de la Salle à Sénozan
en Saône-et-Loire.
(5). C’est le cas de l’église Notre-Dame Saint-Vincent
à Lyon.
(6). La campagne de vitraux de cette église s’effectue
en deux temps: une première commande obtenue par l’intermédiaire
du curé de la paroisse (Souvenirs, p.44); une seconde commande
obtenue par l’architecte (Souvenirs, p.49).
Charles Roux-Meulien (1842-1918) est
l’ ami " (1) qui procure à Lucien Bégule
en 1895 l’importante commande du château du "xxxx"
dont il est l’architecte. Leurs œuvres sont associées
aussi en l’église paroissiale de Saint-Véran (Rhône)
et dans le pavillon de chasse de Monchamp (Ain).
Cet architecte, disciple de Louvier, appartient au mouvement d’éclectisme
de l’architecture lyonnaise de la fin du XIX° siècle.
Il manie avec une égale aisance tous les styles (2). Ses œuvres
sont une combinaison raffinée de l’architecture avec
tous les arts décoratifs (ferronnerie, peinture murale, menuiserie,
céramique, vitrail) répondant à un sens aigu
du confort et à un souci décoratif poussé jusque
dans les plus infimes détails.
Un membre du clergé ou un architecte peut jouer un rôle
dans le choix du verrier. Mais il n’est qu’occasionnellement
le client du verrier. Le client est soit l’ensemble du conseil
de fabrique et l’on remarque alors que ses membres subissent
l’influence de personnalités non concernées par
l’aspect financier du problème soit un donateur particulier
dont le rôle peut aussi être déterminant.
D4) Rôle du donateur :
Le cas des vitraux posés dans le courant de l’année
1889 en l’église de la Rédemption est à
ce titre riche d’enseignement: trois chapelles sont vitrées
en 1889; le premier vitrail posé est celui de la baie axiale
(chapelle Notre-Dame de Pitié), œuvre de Magnin offerte
par Frédéric Benott architecte de l’église;
la chapelle de la Vierge reçoit deux vitraux de Georges-Claudius
Lavergne, don d’une confrérie, et la chapelle du Sacré-cœur
deux vitraux de Lucien Bégule (baies 9 et 11, p.121 ) offerts
par la confrérie du Sacré-cœur. A trois donateurs
différents correspondent trois verriers distincts.
(1). Souvenirs, p.64.
(2). Il utilise le style gothique au château du Crêt ou
à l’église de Saint-Vérand, le style classique
au groupe scolaire d’Amplepuis.
Le choix est imposé par le
donateur. Par la suite, dans cette église, les donateurs se
multipliant et se diversifiant (vitraux du chœur offerts par
la famille Saint-Olive, vitraux de la chapelle Saint-Louis de Gonzague
offerts par les familles Lyonnet, Chappet et Pommier, Audras et Catoire,
vitraux de la chapelle Saint-Joseph offerts par la confrérie
des Mères Chrétiennes), le choix reste définitivement
fixé sur le même artisan jusqu’en 1904. La stabilité
d’un choix dont la question a pourtant dû être soulevée
à huit reprises sur une période de quinze années
est alors le résultat du succès remporté par
les premières œuvres de ce verrier dans l’édifice.
La décision du donateur peut donc être lourde de conséquences.
La décision du donateur explique la juxtaposition, au sein
du même édifice, d’œuvres issues d’ateliers
voisins et contemporains: les maisons Bégule d’une part,
Nicod et Jubin d’autre part interviennent à quelques
années d’écart en l’église Notre
Dame des Anges, Bégule en 1898 (baies 100, 101 et lO2, pp.182-3),
Nicod et Jubin en 1901 et 1902 (baies des bas-côtés);
Les maisons Bégule d’une part, Paulin-Campagne d’autre
part, en 1900 dans l’église de l’Annonciation de
Vaise, Bégule dans l’abside (baies 0, 1, 2, 3 et 4,pp.)
et Paulin-Campagne dans les bas-côtés (1). Les exemples
sont multiples (2). Le choix du donateur s’oriente alors en
fonction de la notoriété de l’artisan ou de leur
appartenance commune à un même groupe social.
D5) Relations personnelles :
Les relations familiales sont une source naturelle de commandes: C'est
par l’intermédiaire de Dominique Meynis (3) que Lucien
Bégule obtient la commande du "Vœu des échevins
" en 1882 (ancienne chapelle de Fourvière, baie 8, p.
133) et par Henri Lagrange (1) celle d’un plafond lumineux à
la Préfecture du Rhône (p.316 ) en 1895.
(1). "L’église de l’Annonciation
" (s.n.), La Construction Lyonnaise, année 1900, p.29.
(2). On pourrait citer encore les églises de Boën, Bessenay,
Saint-Nizier où les œuvres de Lucien Bégule sont
juxtaposées à celles de Lorin ou Lavergne à quelques
années d’écart.
(3). Souvenirs, p.48.
La personnalité de Lucien Bégule,
ses qualités chrétiennes, le milieu auquel il appartient
et les relations de son entourage servent ses ateliers.
E) Les prix :
Le programme défini doit être conforme aux possibilités
financières du client, même si Lucien Bégule manifeste
parfois une volonté d'adopter son tarif à une clientèle
nécessiteuse (cf. pièce justificative n°5 p.387
).
Le coût d’un vitrail, civil ou religieux, est fonction
du travail qu’il exige dans la découpe des verres, le
tracé des plombs et la peinture.
Dans le domaine religieux, le prix d’un vitrail est de:
• 190 frs. le mètre carré (en 1896) pour un vitrail
relativement simple "une grande figure sur fond de grisaille
(cf. pièce justificative n°5), soit 2 105 frs. de 1982
(2).
Ce tarif porte les deux lancettes (Saint-bernard, baie 5, 11.4,00
m - L.2,00 o, p.179 ) à 1200 frs. soit 13 300 frs. de 1982
(3);
• 250 frs. le mètre carré (en 1896) pour un vitrail
"archéologique composé de médaillons XIII°
siècle " (cf. pièce justificative n°5), soit
2770 frs. de 1982 (2). Ce tarif porte à 2100 frs. la grande
lancette de l’abside de Saint-Maurice de Vienne (baie 2 par
exemple, H.7,00 m - L.1,00 m, P~213 ) (4), soit 23 270 frs. de 1982;
• 310 frs. le mètre carré (en 1890) pour un vitrail
présentant une scène à multiples personnages
dans un décor architectural (cf. pièce justificative
n°6) soit 3 434 frs. de 1982 (2). Ce tarif porte à 1 500
frs. une baie de la chapelle de la Charité (baie 1 par exemple,
H.3,45 m - L. 1,.40 m, p.192) soit 17 620 frs. de 1982.
(1). Souvenirs, p.64.
(2). Calcul effectué avec le coefficient de transformation
fourni par l’INSEE.
(3). Archives de la paroisse Saint-bernard: facture du 22 mars 1893
(4). Souvenirs, p.57.
Ce tarif particulièrement élevé
s’explique en partie par la collaboration avec un peintre étranger
aux ateliers que le programme demandait;
• 200 frs. le mètre carré (en 1885) pour un vitrail
présentant une scène à plusieurs personnages
dans une composition d’ensemble plus simple et sur un soubassement
ornemental (cf. pièce justificative n° 7) soit 2 216 frs.
De 1982 (1). Ce tarif porte à 1600 frs. une baie de l’église
de Rochemaure (chapelle de la Vierge, baie 193, H.3,20m - L.2,50 m,
p. 289) soit 17 728 frs. de 1982.
Dans ces conditions, le coût du vitrail religieux, fonction
du travail et du temps que sa confection exige, représente
une somme importante entre 1885 et 1896. Il faut souligner qu’il
n’est pas aussi élevé lors de l’ouverture
des ateliers puisque Lucien Bégule a rapidement "la satisfaction
de pouvoir choisir les clients en élevant les prix " (2).
Selon ces tarifs, une mosaïque décorative à la
grisaille dont le motif répétitif peut être exécuté
au pochoir apparaît comme une solution alors que la composition
originale longuement élaborée avec l’intervention
d’un autre artiste apparaît comme une solution luxueuse.
A titre d’exemple, Lucien Bégule évalue à
20 000 frs. (3) la vitrerie complète de l’église
de Privas (1885) qui comprend 48 baies dont 3 lancettes à scènes,
8 lancettes à figures en pied sur fond de grisaille, .4 lancettes
à médaillons incluant des scènes à figures,
2 roses à figures, 19 roses décoratives et 12 lancettes
décoratives. Cette somme représente un treizième
du coût total de la construction de l’église (275
407 frs.) (4) et trois fois le prix des orgues fournies par la maison
Merklin de Lyon (6 500 frs.) (5) (6).
(1).Calcul effectué avec le coefficient de transformation
fourni par l’INSEE.
(2). Souvenirs, p.45.
(3). Souvenirs, p.53.
(4). Paroisse de PRIVAS1 Essai d’histoire religieuse contemporaine,
Largentière, A.Jay, 1914, p.201.
(5). E.G.POILLON, Les églises et la communauté paroissiale
de Privas, Privas, Voile, 1974, p.93.
(6). Ces sommes correspondent respectivement à 221 600, 3 050
509,et 72 020 frs. de 1982 d’après le barème de
l’INSEE.
Dans le domaine civil, le prix d’un vitrail est de (cf. pièce
justificative n° 8):
* 15 à 30 frs. le mètre carré pour un tracé
simple (en 1904) soit 160 à 320 frs. de 1982 (1). Il s’agit
d’un tracé de plomb seul sans aucune peinture;
• 30 à 45 frs. le mètre carré pour un tracé
avec motifs ornementaux peints (en 1904) soit 320 à 480 frs.
de 1982 (1);
• 60 à 80 frs. le mètre carré pour un panneau
en cives (en 1904) soit 640 à 853 frs. de 1982 (1);
• 45 à 100 frs. le mètre carré pour un
panneau à sujets, végétations ou figures allégoriques
(en 1904) soit 480 à 1066 frs. de 1982 (1);
• 180 à 300 frs. le mètre carré pour les
figures décoratives et les compositions spéciales (exigeant
l’intervention d’un artiste extérieur) en 1904
soit 1920 à 3200 frs. de 1982 (1).
Lucien Bégule précise
que les travaux en verres antiques ou américains comportent
une augmentation. Certaines bordures décoratives sont tarifées
au mètre linéaire, variant de 45 frs. le mètre
(en 1904) pour une bordure peinte (Le Crgt, baie D, p. 338 ) soit
480 frs. de 1982 (2) 60 frs. le mètre (en 1904) pour une bordure
découpée (Le Crêt, baie C, p. 338 ) soit 640 frs.
de 1982 (2).
Le prix demandé par Lucien Bégule est de
- 5 500 frs. pour le plafond lumineux de la Préfecture (l.4,40
m - L.12,30 m, p. 316 ) en 1895;
- 100 frs. pour le médaillon du vitrail du 23 cours de la Liberté
(H: 3,30 m - L.2,00 m, p. 322 ) auxquels il faut ajouter 60 frs. au
mètre carré pour le fond, en 1898;
(i). Calcul effectué avec le coefficient de transformation
fourni par l’INSEE.
(2). Ces sommes sont communiquées par l’exemplaire annoté
de Lucien BEGULE, Vitraux d’appartement, 1904, p.9.
- 1 200 frs. pour le vitrail représentant
Louise Labbé (H.2,27 m - L.1,13 s, p. 325 ) en 1900 (1).
Le coût élevé du vitrail, civil ou religieux,
sélectionne (2) une clientèle matériellement
privilégiée selon la volonté de Lucien Bégule
qui peut "ainsi consacrer plus de soins et plus de recherches
aux œuvres qui lui sont confiées " (3).
F) Sociologie de la clientèle
:
Les familles donatrices de vitraux dans les églises lyonnaises
sont les familles Juron (Bon Pasteur), Chappet et Audras (La Rédemption),
Falcon de Longevialle et de Jerphanion (Saint-Michel d’Ainay),
Saint-Olive (La Rédemption). Toutes évoquent des dynasties
d’une grande assise sociale à Lyon.
Les confréries jouent aussi un rôle essentiel dans le
financement des vitraux :
- confrérie du Saint-Rosaire (Bon Pasteur)
- confrérie du Saint-Sacrement (Poligny)
- confréries du Sacré-cœur et des Mères
Chrétiennes (La Rédemption)
- confrérie Saint-Joseph (Privas).
La liste des commanditaires de vitraux
civils ou religieux à destination privée présente
une homogénéité sociale évidente. Il s’agit
de : Eugène Loison, professeur à la Faculté de
Médecine de Lyon (cf. annexe, p. 354); Louis Perrot dont le
père est un physicien et céramiste suisse éminent
(Chambéry, p. 349 );
(1). Ces sommes sont communiquées par l’exemplaire
annoté de Lucien BEGULE, Vitraux d’appartement, 1904,
pp.12, 11 et 6. Elles correspondent à 58 600 frs. de 1982 pour
la Préfecture, 12 800 pour Louise Labbé et 1070 pour
le médaillon du 23 cours de la Liberté.
(2). Une étude comparative des prix d'autres ateliers contemporains
serait intéressante: ateliers Mauvernay, objet d’un mémoire
de maitrise préparée par Melle Maryse Dalzotto ou ateliers
Gesta de Toulouse , objet d’une thèse de 3° cycle
en cours préparée par Melle Nelly Desseaux.
(3). Souvenirs, p.45.
La famille Rinck, propriétaire
de la brasserie du même nom (p. 327 );
Cyrille Cottin, gérant de l’une des plus importantes
maisons de soierie lyonnaise de la fin du XIX° siècle (cf.
annexe, p. 354);
Jean et Auguste Villy, riches industriels de la région Lyonnaise
(p. 334 );
Joseph Gillet, inventeur en 1903 de la soie artificielle et fondateur
d’un vaste empire industriel
Monsieur Verne, professeur à la Faculté de Pharmacie
de Grenoble ( "Les Meules ", p.342);
Jean Coignet, industriel, sénateur et vice-président
de la Chambre de Commerce de Lyon (p.330);
Edouard Aynard, député du Rhône, régent
de la Banque de France et président de la Chambre de Commerce
de Lyon (Fontenay, cf. annexe, p.35);
Jules Garcin, détenteur d’une importante fortune acquise
au jeu de poker (Monchamp, p. 346);
les familles du Sordet (Saint-Igny-deVers p. 241 ) et Palluat de Besset
(Balbigny, p. 266 ).
Tout ce que la région lyonnaise compte de réussites
sociales et financières a recours aux ateliers Lucien Bégule.
Ces personnalités bénéficient, pour la plupart,
d’imposantes fortunes. Elles en investissent une partie dans
l’installation de leurs demeures privées en restaurant
ou construisant de vastes ensembles architecturaux: Cyrille Cottin
et les frères Villy édifient les châteaux "du
Vivier " à Ecully et du "Crêt " à
Amplepuis; Edouard Aynard restaure l’abbaye de Fontenay; Louis
Coste aménage la propriété des "Brosses
" à Caluire; Joseph Gillet rachète le château
de Bully et Jules Garcin s’isole dans le pavillon de chasse
qu’il fait construire au sein d’un important domaine.
La clientèle des ateliers Lucien Bégule est une clientèle
aisée guidée par une simple dévotion religieuse
ou par une recherche décoratif.
Le prix du vitrail variant en fonction de son style influe sur la
définition du programme.
2). Elaboration du programme.
Les proportions de la commande varient de la baie isolée à
la vitrerie complète d’un édifice (1). Dans tous
les cas, son exécution doit répondre à un programme
fixé à l’avance entre le commanditaire et le verrier.
Le programme doit, en respectant ses possibilités financières,
adapter les exigences formelles et iconographiques de la clientèle
aux conditions posées par les baies.
Les exigences de la clientèle
:
Il est des cas extrêmes où Lucien Bégule ne fait
qu’exécuter un programme dicté par un commanditaire
résolu, évêque ou architecte: le programme du
vitrail des fonts baptismaux de la cathédrale est imposé
par le cardinal Caverot (2), celui de la crypte de Fourvière
par Pierre Bossan et celui du "Crêt " par l’architecte
Roux-Meulien (3).
Dans la plupart des cas cependant, Lucien Bégule met en forme
un souhait émis par le donateur qui inspire au vitrail son
iconographie, en fonction de lui-même ou de celui en souvenir
de qui il l’offre: le vitrail de Jeanne d’Arc à
la Rédemption (baie 14, p.1?2 ) est offert en souvenir d’une
personne portant le prénom de la sainte; le souvenir de Gabrielle
Richard-Meynis que perpétue la famille donatrice du vitrail
de Saint-Just d’Avray (baie 15, p.237 ) détermine son
choix pour l’archange Gabriel; la seule représentation
connue dans l’œuvre de Lucien Bégule de saint Florentin
est due au don, par Florentin Crouzet, d’un vitrail en l’église
de Privas (baie 13, p. 285) et il en est de même pour saint
Florian (Privas, baie 14, p.286 ) offert par Florian Valentin
(1). Il en est ainsi pour les églises de Privas
(48 baies), la Tour de Salvagny (13 baies), la Louvesc (15 baies),
la Charité (32 baies), Saint-Vérand (21 baies), Bas-en-Basset
• (17 baies), Neuville-les-Dames (15 baies) et pour de nombreuses
chapelles où la vitrerie est moins vaste.
(2). Souvenirs, p.54.
(3). Souvenirs, p-64.
Le cas extrême est celui de l’abside de la chapelle de
la Salle où le commanditaire prend l’effigie de son saint
patron (Balhivny, baie 2, p.263) Les congrégations religieuses
excellent en ce domaine:
"les différents ordres adorant le Saint-Sacrement "
(Poligny, baie 5, p. 308) sont le don d’une confrérie
du même nom; les scènes de la vie de saint Joseph (Privas,
baie 6, p.285 ) le don des religieuses Saint-Joseph et les vitraux
du Sacré-cœur (La Rédemption, Baies 9 et 11, p.
171 ) celui de la confrérie du même nom.
Le donateur impose éventuellement l'apparition de son nom (1),
précédé ou non des mentions explicites "don
de " ou "offert par ", parfois réduit à
un simple monogramme (2), ou évoqué par les armoiries
de sa famille (3). Lucien Bégule apprécie le rôle
décoratif des motifs héraldiques et a tendance à
inciter le donateur dans cette voie (4), ce qui explique la fréquence
des apparitions des écus armoriés du Pape Léon
XIII (5) ou celles plus rares des évêques lyonnais contemporains.
Il est aussi des cas où le commanditaire attend les propositions
de Lucien Bégule. Le programme iconographique émane
alors d’une idée personnelle de sa part: c’est
le cas de la vitrerie de Boën (1) pour laquelle les suggestions
viennent essentiellement du maître-verrier;
(1). Le Bon Pasteur, baie 9; Aix-les-Bains, baies 2,3,
4; Mornand, baies 0 et 1; Saint-Vérand, baies 3,4,5,7, 12;
Liergues, baies 4,8, 9; Poligny, baie 5; Malaucène, baie 106;
Bessenay, baie 108, Boen, baies 1,2,101; Saint-Etienne, baie 101;
Privas, baies 0,6,8, 13,14; La Rédemption, baies 4,6, 8.
(2). Boen, baies 5 et 6.
(3). Ainay, baie 5 (armoiries des familles des Garets, de Longevialle,
de Jerphanion); La Rédemption, baies 15 et 17 (armoiries de
la famille Saint-Olive); Saint-Igny-de-Vers, baies 101 et 102 (armoiries
de la famille du Sordet). (4). Archives paroissiales de Rochemaure:
correspondance non datée.
(5). Armoiries du Pape Léon XIII: Vienne, baie 5; Annonciation,
baie 0; cathédrale Saint-Jean, baie 35; Rives, baie 1; Liergues,
baie 8; Hôpital de la Croix-Rousse, baie 104. Armoiries du cardinal
Caverot: cathédrale Saint-Jean, baie 35. Armoiries du cardinal
Coullié: Annonciation, baie 4; SaintPaul, baie 119.
C’est aussi le cas des vitraux
de Rochemaure (baies 103 et 104) exécutées selon les
propositions iconographiques du seul verrier (2).
G) Les conditions posées
par l’édifice :
Lucien Bégule élabore le programme en donnant au sujet
choisi par le commanditaire une forme et en créant la composition
d’ensemble de la baie, bordure (3) comprise.
La forme et les dimensions de la baie, ainsi que l’absence ou
la présence de meneaux (et dans ce cas leur largeur) qui pourraient
rompre l’unité de la composition, en fixent les limites.
Le programme mis au point pour une baie est ensuite étendu
à toute la vitrerie de l’édifice ou d’une
partie de l’édifice (abside, bas-côtés,
transept, nef) :seul le motif central, illustration de l’épisode
(La Louvesc, baies 101 à 112, pp. 278 à 281)ou personnification
du saint (Saint-Irénée, baies 12 à 19, pp.140—142)
varie de baie en baie.
L’architecture de l’édifice détermine le
programme formel de ses vitraux. A chaque style architectural correspond
un type de vitrail :
- roman (ou la partie romane de l'édifice) ou néo-roman
commande le vitrail archéologique à "médaillons
légendaires superposés s’enlevant sur des fonds
de mosaïque, dans le style scrupuleusement archaïque du
XIII° siècle " (1):
(1). Archives paroissiales de Boën: correspondance
du 12 octobre 1884 : pièce justificative n°9.
(2). Archives paroissiales de Rochemaure: correspondance du 14 mars
1885 : pièce justificative n°10.
(3). Le terme de bordure est employé au .sens de "surface
servant d’encadrement , complet ou partiel, à la représentation
d’une verrière historiée ou à une verrière
décorative le long de l’embrasement de la baie ou des
éléments de son remplage; cette surface est ornée
de motifs décoratifs, géométriques, héraldiques,
et peut inclure d’autres représentations figuratives
" (Nicole BLONDEL et Françoise PERROT, Projet d’un
vocabulaire technique du vitrail, Ministère de la Culture,
1983, p.74).
Bon Pasteur, baies 5 à 16,
p. 156 ), Anse (baies O à 4, P-217 ), Saint-Maurice de Vienne
(baies 0 à 4, pp.2l2 214 ), Paray-le-Monial -(cf. annexe, p353
). Nous verrons que ces réalisations sont en réalité
une interprétation des vitraux de la première moitié
du XIII° siècle (cf. P-108 ). L’église néo-romane
du Bon Pasteur adoptent l’ordonnance en vigueur au XIII°
siècle des vitraux à petits sujets dans les fenêtres
basses et grands personnages dans les fenêtres hautes (baies
101 à 112) suivant l’exemple de la cathédrale
de Chartres.
La composition en médaillons conduit, pour certains édifices
néo-romans à un autre type de vitrail: quelques médaillons
très écartés les uns des autres se distinguent
d’autres médaillons ornementaux (Privas, baies 5 à
8, p .284 ) ou se détachent d’un fond en grisaille (SaintJust
d’Avray, baies 7 à 14, pp235-7 ). Le rapport de la partie
historiée et de la partie décorative n’est plus
le même. L’introduction de la perspective, la souplesse
de mouvement des personnages et le réalisme poussé du
modelé donnent du médaillon médiéval une
version lointaine. La composition générale de la verrière
est alors un dérivé éloigné du système
du XIII° siècle. Lucien Bégule réserve ce
type de vitrail aux églises néo-romanes (Saint-Christophe-en-Brionnais,
Saint-Just d’Avray absidioles et transept de Boën, abside
et transept de Privas) et au chevet de certaines églises néo-gothiques
(abside de Mornand, absidioles de la Rédemption, déambulatoire
de Notre Dame des Anges, abside de Saint-Vérand) faisant ainsi
allusion aux chevets romans de certains édifices gothiques.
Ce système apporte une solution à trame allongement
de certaines lancettes. Il est aussi une solution d’économie
dans la mesure où le travail de peinture originale réservée
aux seuls médaillons est minime.
(1). Souvenirs, p-57.
le personnage en pied sous dais architectural,
type de vitrail de l’époque médiévale,
inspire Lucien Bégule dans un grand nombre d’édifices.
Il est la source formelle de toute une typologie du vitrail qu’il
ne réserve pas, comme au XIII° siècle, aux seules
fenêtres hautes.
Les églises gothiques présentent le saint sous un dais
architectural de même style, parfois très ouvragé
(Sury le-Comtal, baies 0, 1, 2 et 4, pp.260-61~ Le saint peut faire
place à une scène à plusieurs personnages et
chaque lancette prend la forme d’une niche profonde et ajourée
(Saint-Igny-de-Vers, baies 101 et 102,pp.242 )rappelant les vitraux
du XV° siècle.
La juxtaposition des lancettes permet une nouvelle organisation de
l’espace en une scène continue sous les dais architecturaux,
selon un système apparu au XV° siècle (Ambierle,
baie axiale): Ce sont les cas des vitraux de Feurs (baies 9 et 10,
p.265) et Liergues (baies 4, 5, 8 et 9, pp.224_5): le dais architectural
ne s’étale cependant pas d’une baie à l’autre,
à la différence du vitrail du XV° siècle.
Lucien Bégule résout le problème de l’élancement
de certaines baies par la composition d’un soubassement historié
sous un dais architectural secondaire (Ainay, baie 5, p.145 ); il
résout celui de l’ampleur de certaines baies par la mise
en place d’un système architectural fictif divisant la
baie sans s’assujettir la composition d’ensemble qui reste
continue (Poligny, baie 5, p.308. La disposition d’une scène
à mi-hauteur de baie sur un fond de grisaille est une solution
à la fois au budget limité et à la recherche
d’un meilleur éclairage de l’édifice (Le
Lémenc, baies 100 à 104, pp. 291 -292)
Lucien Bégule adapte ce type de vitrail à des édifices
néo-gothiques et l’étend à des édifices
d’un autre style. Les dais architecturaux en s’ouvrageant
s'éloignent du style gothique de l’édifice et
comportent éventuellement un soubassement historié (Rives,
baies O à 4, pp.275-276) Les reconstructions successives de
Saint-Irénée respectent l’architecture des premières
basiliques chrétiennes: ses vitraux placent les saints en pied
sous des dais architecturaux de même inspiration. (baies 12
à 19, pp. 140 s 142 ). Les vitraux de la chapelle de la Salle,
pastiche d’un édifice de l’époque Renaissance,
présentent les saints sous de riches dais en accord avec l’architecture
(baies 0 à 2,
Le programme des édifices néo-gothiques respecte aussi
une organisation de l'espace en compartiments que des structures architecturales
délimitent, selon un principe en vigueur à la fin du
Moyen-age. Deux registres d'importance égale se superposent,
qu’il s’agisse de deux personnages en pied sous dais gothiques
(Boën, baies O à4, pp. 256_257) rappelant l’ordonnance
des fenêtres hautes du chœur de Reims (XIII° siècle)
ou qu’il s’agisse de deux scènes historiées
sous dais gothiques (La Rédemption, baies 9 à 18, pp.
171-174) rappelant l’ordonnance des vitraux de la chapelle du
Saint-sang de Bourges (XIV° siècle).
Les baies cintrées aux larges proportions déterminent
Lucien Bégule dans le choix de vitraux de style Renaissance
(Malaucène, baies 100 à 106, pp.310-311; Notre-dame
de Saint-Étienne, baie 7, p.249). Une scène à
multiples personnages se déploie sous un riche décor
architectural et ornemental à la fois, d’influence italienne.
Ce type de vitrail rappelle le vitrail du XVI° siècle (Paris,
église Saint-Gervais, "Annonciation ").
L’édifice de style classique dicte à Lucien Bégule
le même type de vitrail qu’il adapte en en simplifiant
la bordure architecturale (La Charité, baies 1 à 10,
pp.188 à 197)
La part de l’ornement fortement sensible fortement sensible
dans les baies de Saint-Irénée se substitue intégralement
à la bordure architecturale dans certains édifices de
construction contemporaine. Le programme conserve l’agencement
d’origine architecturale (soubassement, colonnes, dais) mais
une ornementation de rinceaux, d’inspiration végétale,
compose totalement la bordure. Ce type de vitrail peut couvrir plusieurs
lancettes, deux à SaintBernard (baie 3), trois à Bessenay
(baie 104) en une scène continue. La ramification des rinceaux
comble la hauteur démesurée de certaines lancettes et
ouvre la bordure à un large éventail de formules décoratives.
La bordure décorative en rinceaux d’inspiration végétale
a son origine formelle dans les vitraux du XIII° siècle.
La place que Lucien Bégule lui confère et le soin porté
à son traitement et à sa coloration en font un élément
spécifique de son œuvre.
Une déformation de ce type de vitrail conduit à la formule
optée pour la basilique de la Louvesc où une scène
historiée occupe la place centrale. Le vitrail prend un parti
décoratif déterminé par l’architecture
de Bossan dans laquelle l’ornementation joue un grand rôle
(La Louvesc, baies 101 à 112).
La différenciation des solutions formelles programmées
par Lucien Bégule est large. Ces solutions ont leur origine
plus ou moins lointaine dans le vitrail ancien dont elles sont un
pastiche, une déformation ou une adaptation. Elles révèlent
les sources d’inspiration du verrier et sa part de créativité.
La prise en considération du style architectural de l’édifice
dans l’élaboration du programme vitré révèle
un souci d’harmonisation du décor à l’architecture
et une conception du vitrail comme élément d’unification
de l’ensemble.
B. Organisation des ateliers.
B1). Les locaux.
Les ateliers, conçus sur les données de Lucien Bégule
et exécutés sur les plans de son ami architecte Auguste
Monvenoux, sont édifiés en 1881 sur la propriété
que possède la famille Bégule montée de Choulans.
Il s’agit d’une "construction nouvelle dont les lignes
pittoresques rappellent les fabriques florentines d’un ensemble
établi avec une entente remarquable des exigences de la profession
" (1).(2).
Gaspard André donne de la répartition interne de ces
locaux une description détaillée (3) : "Près
de la place de Trion, se trouve l’atelier de notre peintre.
Situé à merveille pour échapper à nos
brouillards, il est bien orienté et s’ouvre sur une belle
vue du Rhône et des plaines dauphinoises (...). Le visiteur
est introduit directement dans la pièce centrale encombrée
de livres et de recueils, d’estampes où l’artiste
compose près de ses enfants et de ses ouvriers. Les ateliers
sont situés à droite et à gauche de cette pièce
centrale où tout le travail se prépare: d’un côté
la mise en plomb, de l’autre côté la peinture sur
verre; au sous-sol les dépôts, les fours et la photographie.
L’atelier de peinture forme comme un vaste balcon sur une haute
pièce dont toute une paroi est vitrée. C’est la
salle d'exposition des vitraux et c’est sur cette paroi que
le soleil transperce au matin et abandonne le soir, que toutes les
verrières sont successivement fixées pour juger de leur
effet aux diverses heures du jour (...). L’artiste revoit et
retouche alors son œuvre jusqu'à ce qu’il en soit
satisfait et c’est là qu’avant sa mise en place,
le public peut la voir et la juger ".
(1). Un atelier de peinture sur (s.n.), E. de F., 1881,
p.377.
(2). Il n'y a plus aucune trace aujourd'hui de ces bâtiments.
Si, les bâtiments réaménagés en
habitation sont toujours présent. note de Th. W. 2005
(3). Gaspard ANDRE, Les vitraux et Lucien Bégule ", Lyon
à l’exposition Universelle de 1889, Lyon, Storck, 1890,pp.271-272
L’agencement logique de ces
divers ateliers permet la compréhension des étapes successives
nécessaires à la fabrication d’un vitrail dans
les ateliers Lucien Bégule.
2). Les différentes étapes de fabrication. Les différentes
étapes de fabrication peuvent être reconstituées
dans le schéma ci-joint qui met en évidence le rôle
de chacun des membres du personnel des ateliers Lucien Bégule
et la destination précise des ateliers successifs.